Les trésors cachés de la vie onirique
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Vol 10 #7 Special Edition Dreams and Nightmares
Caroline Giroux, MD, FRCPC
Author information:
Associate Clinical Professor, Psychiatrist, University of California, Davis Medical Center, Department of Psychiatry and Behavioral Sciences, Sacramento, California, USA. [email protected]
Il ne fait aucun doute que le rêve a des fonctions utiles. Le processus onirique aide à la consolidation de la mémoire, et permet l’accès à des solutions face à des dilemmes qui paraissaient insolubles durant l’état d’éveil. Au début de ma résidence, j’ai apprécié fuir l’aspect asilaire de l’hôpital où j’étais en stage en lisant à la bibliothèque. J’ai ainsi découvert “L’Interprétation des Rêves”, de Freud, ouvrage toujours important qui avait été écrit un siècle auparavant. Cela m’a beaucoup intéressée et j’ai trouvé que certaines des conceptualisations faisaient sens (comme les vestiges de la journée, la condensation etc), mais sans être capable de me l’articuler à l’époque, cela me semblait peut-être trop pragmatique, et donc, incomplet. Au cours de cette période, nous recevions aussi les enseignements d’un superviseur qui était analyste jungien et qui portait attention à toute image ou oeuvre d’art et leur signification profonde.
Plus tard, j’ai eu le privilège d’observer le potentiel guérisseur du travail sur le rêve, une oeuvre d’art en soi, si nous pouvions seulement le concevoir comme un matériel dynamique à manier dans une sculpture unique, comme nous le ferions à partir de l’argile. Cette notion s’élargit et se consolida vers la fin de ma résidence. Je me souviens avoir connu le privilège de faire un stage optionnel auprès d’une mentor formidable qui se spécialisait en intervention de crise. Ses évaluations systématiques étaient révélatrices et illuminaient les problèmes profonds à la source des symptômes. Ses questions explorant les profondeurs étaient thérapeutiques, et quand les patients partageaient du matériel onirique, elle travaillait avec eux sur leur rêve. C’était fascinant. Je me sentais alors comme devant une magicienne. Elle accompagnait le patient ou la patiente alors qu’il ou elle était invité(e) à décrire un rêve en détails vivides, lui demandant de spécifier les couleurs, l’apparence des objets, les gens, en quel nombre étaient-ils, ce qu’ils disaient, ressentaient, et ce que le rêveur pensait que cela représentait, si cela avait une pertinence ou un lien avec sa vie etc. Ensuite, elle parvenait à transformer ce qui avait l’apparence d’un cauchemar en une situation positive en demandant comment aurait dû se terminer le rêve plutôt que par une tragédie, ou s’il avait été brutalement interrompu (par le réveil du rêveur paniqué), quelle en aurait été la conclusion idéale. Je devins accro sur-le-champ et conclus que nous devrions tous démontrer ce processus à nos patients afin qu’ils apprennent à le faire d’eux-mêmes.
Actuellement, j’incorpore ces techniques de travail sur le rêve dans mon groupe d’art-thérapie utilisant une approche narrative écrite. Tel qu’a écrit Christiane Northrup, cela consiste à travailler sur l’histoire inconsciente et à l’améliorer dans l’état d’éveil (1). Nous pouvons toujours améliorer le message du rêve, et nous ne devrions jamais être victimes de nos rêves (1). Elle encourage également à identifier les émotions, à les nommer, à les vivre pleinement, à identifier les besoins non rencontrés auxquels elles correspondent, et à prendre les moyens nécessaires pour rencontrer ces besoins.
Je considère que les interventions de ma mentor étaient très créatives et aidaient le patient à se réapproprier du pouvoir. Le rêve était ainsi un point de départ, une graine à planter, menant à une croissance et des éclaircissements introspectifs. Tout au long de ma vie, j’avais déjà pu constater le potentiel considérable enfoui dans notre l’imagination pour créer notre réalité extérieure, mais ces techniques onbservées me procuraient un nouvel outil: une fois que l’on choisit les rêves que l’on veut avoir, on prépare le terrain dans le subconscient pour bien rêver ou au moins avoir le pouvoir de tirer le meilleur d’un cauchemar une fois réveillé, nous aidant ainsi à avoir un plus grand sentiment de contrôle, d’auto-efficacité et de régulation émotionnelle plus optimale, créant ainsi des conditions favorables au sommeil. Depuis ce temps, je suis devenue encore plus intéressée par les rêves de mes patients, et les miens. J’ai commencé à les noter dans un journal et j’invite mes patients à faire de même.
Les rêves doivent être captés et écrits aussitôt que possible. Nous avons tous fait l’expérience de leur caractère évanescent. Mais s’ils ne semblent faire aucun sens à prime abord, nous pouvons quand même arriver à les déconstruire car en les écrivant ou les narrant à voix haute, nous pouvons avoir une épiphanie. Un mot utilisé de façon concrète peut nous mener à un proverbe illustrant un dilemme de vie (par exemple, il pourrait y avoir une clôture, ou barrière dans le rêve, laquelle pouvant représenter les “barrières” psychologiques du rêveur et qui entravent la poursuite de ses buts). Les mots et les chiffres ne sont généralement pas aléatoires. Ils comportent une fréquence vibrationnelle et peuvent avoir une résonance profonde avec notre histoire de vie. Les symboles sont fascinants à décoder, et tous leurs aspects (culturel, universel ou personnel) de la signification doivent être examinés. Par exemple, la signification d’un animal sauvage peut être pertinente en rapport avec son totem, mais si le rêveur a eu une expérience négative avec la créature dans le passé (par exemple, en se faisant attaquer ou mordre par la bête), il pourrait y avoir un élément de traumatisme à métaboliser. Cela pourrait quand même être une apparition positive si le rêveur parvient à trouver des aspects enviables à l’animal et à en retirer de l’inspiration. Un autre exemple de contenu ou thème de rêve est l’auto. J’ai rêvé d’une voiture à au moins trois reprises au cours des derniers six mois. Une voiture peut représenter l’ego. Dans mon cas, quand j’ai rêvé à une auto dont j’étais la passagère, c’était à une période où je sentais que j’avais très peu de contrôle sur ma vie. Cela faisait beaucoup de sens. Aussi, je viens d’une famille assez obsédée par les voitires, alors que je me suis toujours fiché du type d’auto que je conduisais, car pour moi il s’agissait d’un élément fonctionnel plutôt que d’un symbole de statut ou l’expression par production massive d’un esthéticisme technologique . Peut-être était-ce là un rappel que je devais rester connectée à mes racines, à ma famille d’origine que je n’ai pas pu voir depuis la pandémie. Comme un repère réassurant, en quelque sorte. Un rêve subséquent se déroulait dans une voiture rouge (cette couleur a une signification particulière pour moi et peut représenter l’exubérance) et je me trouvais initialement dans le siège du conducteur mais fus poussée dans le siège du passager. Cela reflétait une phase où je cherchais à me réapproprier mon pouvoir mais ne me sentais pas immédiatement efficace. Un autre rêve plus récent et intense contenait aussi une auto, et je la conduisais sur une autoroute à plusieurs voies qui s’élevait tout en s’incurvant. Mais en abordant la courbe, je roulais bien au-delà de la limite de 35km/h, ce qui fait que je ralentissais (contre l’avis de mon père qui m’avait toujours dit qu’accélérer dans une courbe nous aidait à la parcourir plus doucement, ce que j’avais effectivement pu constater depuis que je détenais un permis de conduire), et j’ai fini par perdre le contrôle, percutant le parapet, craignant un rebond qui me propulserait dans l’océan, ou une descente qui comportait le risque d’une collision en face-à-face… Cette fois j’étais la conductrice, mais pas tout en fait en contrôle, ou pas encore capable de canaliser mon pouvoir… C’est comme si j’avais eu peur de ma force intérieure (menant à une décélération) au lieu d’utiliser son momentum (accélérer dans un défi ou une transition, suivant ainsi le conseil de mon père, ou mon intuition profonde). Alors que j’écris ces mots, je réalise le cadeau précieux qu’offre cette métaphore. Et mettant ce rêve en contexte, je sais qu’il a à nouveau quelque chose à voir avec des défis actuels, et qu’il est un rappel que je dois calibrer mes ressources intérieures et leur faire confiance, et peut-être même sortir de la voiture pour faire une pause et réfléchir au lieu de me sentir coincée entre deux options (ralentir ou accélérer). Garer la voiture dans un endroit sécuritaire pour un moment est aussi un choix, et pourrait symboliser le lâcher-prise.
Si un rêve désagréable se répète, cela peut signifier qu’il comporte des éléments qui ont besoin d’être traités et intégrés. Des figures d’ombre apparaissent souvent en rêve. Carl Jung a décrit l’ombre comme étant l’ensemble des parties rejetées du soi. Elles ont été refoulées en réponse à un environnement culturel et/ou familial désapprobateur et invalidant durant l’enfance (comme l’artiste qui a été élevé par des scientifiques, une personne analytique née de parents bohèmes, ou un rat-de-bibliothèque ayant grandi parmi des proches valorisant les sports). Il peut être éclairant d’explorer ce qui nous répulse dans nos rêves car ces aspects peuvent servir de pointeurs vers les éléments d’ombre. Je me souviens avoir souvent rêvé d’une femme désagréable aux cheveux rouges. Je n’ai jamais vraiment osé me teindre les cheveux, et au fond de moi je savais bien que d’avoir la chevelure rouge (symbolique de ma passion, ma flamme intérieure réprimée) était une fantaisie avec laquelle je devais me réconcilier. En accueillant (au lieu de rejeter) ces aspects de mon moi, je fais la paix avec les dimensions complexes (et parfois contradictoires) de ma personnalité.
J’en suis aussi venue à concevoir le rêve comme un film qui se déroule dans notre psyché, une suite d’images auto-imposées pour éliciter des perspectives nouvelles. C’est un cadeau de notre inconscient et y être réceptive ouvre des portes sur plein d’occasions d’auto-réflexion. “Voyez vos rêves comme des lettres de votre inconscient vous disant ce qui vous blesse encore”, écrit Christiane Northrup (1).
Pour ceux qui ne se souviennent pas de leurs rêves: vous pouvez toujours cultiver la rêverie et l’imagerie ou visualisation créatrice. De telles activités conscientes sont valides, surtout si elles permettent d’atteindre un état de relaxation. Elles aident le cerveau à passer en mode créatif et de reprogrammation positive, ce qui est central à la guérison et à la pleine expérience de la vie.
Référence:
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Northrup C. Dodging Energy Vampires: An Empath’s Guide to Evading Relationships that DrainYou and Restoring Your Health and Power. Hay House; 2018